De nombreux paramètres influent sur la valeur d’un bien immobilier. Certains sont objectifs, d’autres moins. Une partie des paramètres subjectifs concerne le voisinage du bien, donc la présence potentielle ou effective d’un parc éolien.
De nombreuses études indépendantes, analysant des centaines voire des milliers de transactions immobilières aux abords de parcs éoliens, ont été conduites à travers le monde et en France. Toutes concluent à un impact limité en termes de nombre de biens concernés, et à peu de conséquences négatives. Certaines montrent même l’absence d’impacts négatifs quantifiables.
Comment déterminer la valeur d’un bien immobilier ?
La valeur d’un bien immobilier est déterminée à partir d’éléments objectifs : sa localisation et son environnement proche, avec les avantages et inconvénients propres à ce lieu (comme l’accessibilité ou la proximité de services), sa surface habitable avec le nombre de pièces et leur organisation, l’existence d’un jardin, la vétusté du bien et les travaux nécessaires pour le mettre au niveau de confort souhaité par l’acquéreur potentiel, son mode de chauffage et plus généralement son confort thermique (avec des conséquences sur les factures d’énergie), etc.
Des éléments subjectifs influent également sur la valeur de ce bien : intérêt de l’acquéreur pour le lieu, impression personnelle liée à son échelle de valeur (« coup de cœur » ou pas), etc.
Le marché local de l’immobilier est également déterminant pour estimer la valeur générale du bien, en liaison avec sa rareté réelle (ou supposée) et aux lois de l’offre et de la demande.
L’implantation d’un aménagement en général ou d’un parc éolien en particulier n’a que peu d’impact sur les critères de valorisation objectifs d’un bien. Il joue essentiellement sur les éléments subjectifs, qui varient d’un acheteur potentiel à un autre. Certains considèrent la présence d’un parc éolien comme neutre, d’autres comme un « plus » et d’autres comme un facteur négatif.
Parc éolien : quelle influence sur la valeur d’un bien immobilier ?
Dans le cas d’un parc éolien, les nuisances réelles ou supposées susceptibles d’impacter négativement la valeur d’un bien immobilier sont de deux types.
La première nuisance est relative au bruit émis. En France, les riverains des parcs éoliens sont protégés par des normes rigoureuses. La règlementation ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) fait, en effet, référence à l’émergence sonore à ne pas dépasser : 5 dB(A) le jour et 3 dB(A) la nuit. Cette réglementation est judicieuse, car elle tient compte du lieu d’implantation de l’éolienne, plus ou moins calme, et non d’un seuil fixe, comme dans d’autres pays européens. Les riverains sont donc bien protégés et il n’y a pas lieu de craindre, sauf dysfonctionnement, des nuisances sonores aux abords des parcs éoliens.
La seconde nuisance régulièrement évoquée est liée à l’impact sur le paysage, car les éoliennes d’aujourd’hui sont des appareils de grande dimension. Ces impacts paysagers incluent la gêne liée aux balisages aéronautiques lumineux posés sur les nacelles. La perception de leur intégration dans l’environnement dépend de chaque riverain. Leur acceptation sera notamment fonction de l’utilité accordée à l’objet et de la reconnaissance, ou non, du site comme propice à accueillir des éoliennes.
Il existe aussi des impacts positifs indirects, comme pour d’autres installations énergétiques. Ainsi, les ressources fiscales apportées par les éoliennes peuvent être synonymes d’amélioration des équipements et des services publics d’une commune.
Quels sont les impacts mesurés de parcs éoliens sur la valeur de biens immobiliers dans le monde ?
Évaluer la part d’un facteur isolé (ici la présence d’éoliennes) dans la formation du prix d’un bien immobilier est complexe.
Deux types d’études apportent des éléments de réponses : les enquêtes statistiques sur les prix de l’immobilier aux abords de parcs déjà existants et les enquêtes auprès de vendeurs/agents/acheteurs sur la différence de prix qu’ils associent à la présence d’éoliennes.
De nombreuses expertises indépendantes ont été menées à travers le monde sur l’impact des parcs éoliens sur la valeur d’un bien immobilier. Globalement, elles convergent dans leurs conclusions : les impacts sont limités géographiquement et quantitativement, même si chaque étude a ses propres limites méthodologiques et concerne un pays ou un territoire précis, avec des transpositions à manier avec prudence.
L’étude pionnière la plus complète, la plus vaste et la plus rigoureuse a été menée aux USA par le « Lawrence Berkeley National Laboratory », en 20091. Elle a porté sur l’analyse fine de la vente de 7 500 maisons (avec visite de chacune), localisées jusqu’à 16 km de 24 parcs éoliens terrestres dans 9 États différents, en prenant en compte les transactions avant et après l’installation des éoliennes. Les résultats ont été comparés selon différents modèles statistiques pour garantir leur fiabilité.
Bien que les chercheurs n’écartent pas la possibilité que des maisons individuelles aient été ou pourraient être touchées négativement, ils constatent que, dans l’échantillon de foyers analysés, ces impacts négatifs sont trop petits et/ou trop rares pour être statistiquement observables.
Cette étude a été récemment mise à jour2 pour prendre en compte le développement conséquent de la production éolienne aux USA, avec aujourd’hui plus de 70 000 machines en fonctionnement couvrant près de 10 % de la consommation électrique du pays.
L’analyse a porté sur 496 000 transactions immobilières, sur la période 2005-2020, dans des périmètres de 5 miles (8 km) autour de 428 parcs éoliens répartis dans 34 Etats.
L’approche par doubles différences a été appliquée, en comparant les périmètres proches à ceux au-delà des 5 miles et en s’intéressant aux évolutions de la valeur des biens immobiliers à partir de l’annonce du projet.
L’étude constate une baisse de la valeur des biens dans un rayon d’un mile (1,6 km) qui atteint 11 % en moyenne suivant l’annonce du projet, puis qui remonte à 2 % de baisse une fois le parc éolien construit et qui retrouve la valeur initiale après 5 années de fonctionnement. Les baisses des valeurs des biens immobiliers s’atténuent avec l’éloignement pour être insignifiantes au-delà de 1,25 mile (2 km).
Plus près de nous géographiquement, une étude de la London School of Economics de novembre 20133 a tenté de mettre en évidence les effets de la visibilité des éoliennes sur le prix de vente de maisons en Angleterre et au Pays de Galles entre 2000 et 2012. Les chercheurs de cette université britannique ont comparé les changements de prix d’un million de logements.
Les résultats de cette analyse statistique montrent que les parcs éoliens ont tendance à faire baisser les prix de l’immobilier (de 5 à 6 %), principalement pour les logements ayant une visibilité sur les éoliennes dans un rayon de 2 à 3 km. Contrairement à l’étude nord-américaine, elle ne s’appuie pas sur des visites et enquêtes individuelles, et les visibilités potentielles sont déterminées de façon théorique, à partir du relief des sites étudiés.
La bibliographie recense des dizaines d’autres études à travers le monde sur les relations entre l’éloignement des éoliennes et la valeur des biens immobiliers. Une méta-analyse4, synthétisant 720 estimations issues de 25 études, conclut à une baisse moyenne de la valeur économique des biens immobiliers de 0,68 % à 3 km d’un parc éolien et nulle au-delà de 4,5 km. La méthode d’évaluation employée est celle de la « régression hédonique » qui s’appuie sur le fait que le prix d’un bien dans un marché est affecté par son environnement, en l’occurrence ici la présence d’éoliennes.
Quels sont les impacts mesurés de parcs éoliens sur la valeur de biens immobiliers en France ?
Récemment (mai 2022), l’ADEME (Agence de la transition écologique) a piloté la réalisation d’une vaste étude sur l’évolution du prix de l’immobilier à proximité des parcs éoliens terrestres 5. L’étude croise deux approches complémentaires : une analyse quantitative pour produire des résultats mesurables et une analyse qualitative complémentaire.
L’analyse quantitative s’est appuyée sur l’approche par « doubles différences », en comparant à un territoire proche sans éoliennes. La base de données immobilière utilisée est celle de la Direction Générale des Finances Publiques : la base DVF. Plus d’un million de transactions de maisons entre 2015 et 2020 ont été exploitées. L’influence éventuelle de l’éolien sur l’immobilier a porté sur un rayon de 20 km autour des éoliennes. La maille d’étude a été celle de la commune : la visibilité effective sur les éoliennes en prenant en compte la topographie ou le caractère boisé n’a ainsi pas été considérée. En revanche, les zones de « charme » ont été distinguées de celles plus communes via trois catégories : usage des lieux, densité de l’urbanisation et type de paysage.L’analyse qualitative s’est appuyée sur des entretiens avec des acteurs qualifiés (près d’une trentaine) et des riverains de parcs éoliens (plus de cent vingt) et via des questionnaires auprès de professionnels de l’immobilier (16 agences). La jurisprudence relative à des contentieux n’a pas été étudiée face à leur faible nombre (de l’ordre de la dizaine).
Le volet quantitatif de l’étude montre que l’éolien a un impact très faible sur l’immobilier, de l’ordre de 1,5 % sur le prix du m², ce qui est 5 à 15 fois moins que la marge d’appréciation des agents immobiliers en milieu rural. Cet impact est limité aux biens localisés à moins de 5 km d’une éolienne. Le phénomène des biens dits « invendables » est « au mieux très marginal si tant est qu’il existe ».
Le volet qualitatif de l’étude montre que l’impact de l’éolien est comparable à celui d’autres infrastructures telles que les lignes à haute tension ou les antennes de télécommunications, c’est-à-dire le plus souvent nul ou non significatif et parfois faiblement négatif (quelques %). Ceci étant les entretiens suggèrent que l’impact négatif d’un parc éolien sur l’immobilier est amplifié pour des cas particuliers de biens qui en sont proches ou dont le prix est élevé, particulièrement en zone touristique ou littorale lorsque la perception publique de l’éolien est dégradée.
Le cas d’un parc éolien breton
Des étudiants en master d’Économie à l’Université de Bretagne Occidentale ont cherché à évaluer les retombés économiques du parc éolien de Plouarzel (Finistère) sur des activités telles que l’immobilier et le tourisme6. Leur travail s’est appuyé sur une première enquête auprès de 101 habitants de la commune, puis sur une seconde étude spécifique auprès de 8 agences immobilières des environs.
L’enquête auprès de la population a montré que 15 % seulement des personnes interrogées sont « tout à fait d’accord » ou « plutôt d’accord » avec l’idée que les éoliennes de Plouarzel ont un effet négatif sur la valeur de l’immobilier. La grande majorité (73 %) n’est cependant « pas du tout d’accord » ou « plutôt pas d’accord » avec cette idée. Beaucoup remarquent à cet égard que les prix de l’immobilier à Plouarzel sont élevés et que, dans ce cadre, les éoliennes ne semblent pas avoir eu d’influence.
L’effet des éoliennes sur la valeur de l‘immobilier et l’attractivité de Plouarzel est considéré comme neutre par cinq agence sur huit. Parmi les trois agences estimant que l’effet est « plutôt négatif », une seule précise qu’elle tient compte de la présence du parc dans ses estimations des biens immobiliers. De plus, pour la majorité des agences (5 sur 8), les éoliennes ne sont que « très rarement » évoquées avec les acheteurs potentiels : deux agences déclarent que c’est « parfois » le cas et une seule « souvent ». Enfin, la majorité des sept agences ayant eu à vendre une maison ou un appartement ayant vue sur les éoliennes, rapportent qu’il est rare que des réticences soient exprimées. Seules deux agences affirment que de telles réserves se présentent « parfois ».
Conclusion |
De nombreuses études indépendantes, conduites en France et à travers le monde selon des approches variées, convergent pour conclure à un impact limité des parcs éoliens sur les biens immobilier. La crainte d’une dépréciation liée à la présence d’éoliennes n’est donc pas fondée.
La concertation, indispensable en amont de tout projet d’aménagement, se doit d’expliquer le pourquoi de l’énergie éolienne et le choix du site, afin d’objectiver au mieux les inconvénients et les atouts de ce mode de production d’électricité décentralisée. En effet, si l’installation est jugée utile et nécessaire par ses riverains, ses impacts seront mieux acceptés. Plus généralement, les nuisances engendrées sont à comparer aux coûts et bénéfices apportés à la collectivité dans son ensemble. En matière d’impact sonore, la réglementation relative au fonctionnement des parcs éoliens est nettement plus stricte que celle qui concerne la mise en œuvre d’équipements considérés d’intérêt public (aéroport, autoroute, …), qui bénéficient de dérogations législatives ou règlementaires, alors qu’ils entraînent des impacts environnementaux et des nuisances de voisinage bien plus conséquents que les éoliennes. Cela explique peut-être pourquoi 73 % des Français ont une image positive de l’éolien avec même une proportion légèrement plus importante dans les régions Grand-Est (75 %) et Hauts-de-France (77 %), les deux régions les plus équipées7. Avec environ 9 000 grandes éoliennes en fonctionnement en France, réparties dans un peu plus de 800 parcs, nous disposons d’un retour d’expériences conséquent pour exploiter l’énergie éolienne dans le respect des riverains et ainsi limiter les risques d’atteinte à la valeur des biens immobiliers. |
- The impact of wind power projects on residential property values in the United States : a multi-site hedonic analysis, Ben Hoen, Ryan Wiser, Peter Cappers, Mark Thayer and Gautam Sethi, Lawrence Berkeley National Laboratory, 2009
- Commercial Wind Turbines and Residential Home Values : New Evidence from the Universe of Land-Based Wind Projects in the United States. Eric J. Brunner, Ben Hoen, Joe Rand, David Schwegman. University of Connecticut. Lawrence Berkeley National Laboratory. American University. 16 pages. décembre 2023.
- Gone with the wind : valuing the local impacts of wind turbines through house prices, Stephen Gibbonsab, 2013.
- Wind turbines and property values : a meta-regression analysis. Marvin Schütt. Kiel University. 43 pages. septembre 2023.
- Eoliennes et immobilier. Analyse de l’évolution du prix de l’immobilier à proximité des parcs éoliens. IAC Partners et IZIMMO, pour ADEME. 63 pages. Mai 202.
- Éoliennes et territoires, le cas de Plouarzel, Fanny Allard, Erwan Baconnier, Gaëlle Vépierre, Mémoire de première année de Master d’économie, Ingénierie du développement des territoires en mutation, 2007-2008.
- Les Français et l’énergie éolienne. Harris Interactive pour Ministère de la Transition écologique. 14 pages. Août 2021.