La rareté de certains métaux peut-elle freiner le développement des énergies renouvelables ?

La rareté d’un métal dépend à la fois de l’état de ses ressources, mais également de ses différents usages. Certains métaux utilisés dans les énergies renouvelables peuvent ainsi être considérés comme rares. Un (trop) rapide raisonnement serait de conclure à l’impossibilité d’un essor significatif des renouvelables, manquant de matières premières pour être fabriquées. Qu’en est-il ? Ces métaux rares sont-ils indispensables au développement des énergies renouvelables ? Et quelle distinction fait-on entre « métaux rares », « terres rares » et « matériaux critiques » ?

La rareté d’un métal dépend à la fois de l’état de ses ressources, mais également de ses différents usages. Certains métaux utilisés dans les énergies renouvelables peuvent ainsi être considérés comme rares. Un (trop) rapide raisonnement serait de conclure à l’impossibilité d’un essor significatif des renouvelables, manquant de matières premières pour être fabriquées. Qu’en est-il ? Ces métaux rares sont-ils indispensables au développement des énergies renouvelables ? Et quelle distinction fait-on entre « métaux rares », « terres rares » et « matériaux critiques » ?

L’industrie photovoltaïque est souvent pointée du doigt pour sa présumée consommation importante de « terres rares ». Or cette industrie ne consomme pas de terres rares, mais seulement des métaux dits rares, principalement pour les panneaux utilisant les technologies de couches minces qui représentent moins de 10 % du marché photovoltaïque.

Dans l’éolien, seules certaines technologies – essentiellement dans la filière des éoliennes offshore à génératrice synchrone à aimants permanents – utilisent des terres rares. Mais, là encore, ces matériaux ne sont pas indispensables et surtout, certains ne sont pas rares, comme le néodyme.

En somme, la rareté, souvent toute relative, de ces métaux spécifiques et les menaces associées de rupture d’approvisionnement, ne sont donc nullement un frein au développement de l’éolien et du photovoltaïque, et encore moins aux autres sources d’énergies renouvelables (biomasse en particulier), qui n’en requièrent pas.

Les seuls métaux pouvant être considérés comme rares utilisés de manière importante dans les énergies renouvelables sont le cuivre et l’argent. Mais elles ne représentent qu’une part restreinte de la consommation annuelle de ces matériaux (moins de 15 %, y compris dans des scénarios prospectifs ambitieux à horizon 2050). Loin d’être réservée au secteur des renouvelables, une pénurie de ces métaux aurait un impact dans d’innombrables autres secteurs industriels. Il est donc nécessaire d’anticiper dès maintenant un éventuel déclin de leur production. Cela renforce la nécessité de mettre en place des filières appropriées de récupération et de recyclage, avec l’immense avantage de métaux présentant des potentiels de recyclage de plus de 90 %.

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« Terres rares », « métaux rares », « matériaux critiques » : de quoi parle-t-on ?

La forte hausse du cours des matières premières observée il y a quelques années a mis sur le devant de la scène la problématique de la finitude des ressources de ces matières. À l’instar des énergies fossiles, les matières premières utilisées dans l’ensemble des secteurs industriels sont pour la plupart issues de stocks limités, mais à la différence des matières premières énergétiques (fossiles et fissiles) qui ne sont pas renouvelables, elles sont recyclables.

Ce constat est particulièrement vrai pour certains types de matériaux, appelés terres rares.

La famille chimique des terres rares comporte dix-sept éléments

On distingue :

  • les terres rares légères : lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium ;
  • les terres rares lourdes, dont les concentrations dans les gisements sont encore plus faibles : scandium, yttrium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutétium.

Ces métaux ont des caractéristiques particulières, souvent présents sous forme de mélange dans les minerais. Bien que relativement abondants dans la croûte terrestre, on ne les trouve qu’exceptionnellement dans des concentrations assez élevées pour pouvoir être exploités pour eux-mêmes de manière rentable. Leurs propriétés catalytiques, électriques, magnétiques, chimiques et optiques sont très recherchées, et bien que souvent utilisées en petites quantités, elles sont indispensables à la miniaturisation de certains équipements ainsi qu’à beaucoup de produits de haute technologie.
Après avoir dominé la production mondiale de terres rares depuis la seconde guerre mondiale, les États-Unis se sont vu dépassés par la Chine au cours des années 1990, alors même que le géant asiatique ne possède que le tiers des réserves mondiales1. En 2010, la Chine, assurait plus de 90 % de la production mondiale. Devant cette situation de quasi-monopole, de nombreux pays ont ouvert ou ré-ouvert des mines ; en 2020, environ 60 % de la production mondiale avait lieu en Chine2.

On définit classiquement3 les trois catégories ci-dessous lorsque l’on parle de métaux ou de matériaux critiques ou rares :

  • Les « matériaux critiques » : des matières premières qui ont une criticité importante, classiquement définie en fonction de l’importance économique et du risque d’approvisionnement
  • Les « métaux rares » (souvent confondus avec les matériaux critiques) : des métaux dont l’abondance moyenne dans la croûte terrestre est faible, comme l’or, le nickel, le cobalt, l’indium… Ces métaux peuvent être des matériaux critiques.
  • Les « terres rares » (cf encadré) qui ne sont pas des métaux rares puisque relativement abondants, mais qui sont bien souvent des matériaux critiques en raison notamment de leur utilisation croissante dans de nombreux secteurs.

Les matériaux peuvent être sujets à certaines tensions technico-économiques, sociales ou géopolitiques. Le risque de rupture d’approvisionnement d’une matière première (terres rares ou non) peut être causé par divers facteurs :

  • un stock identifié relativement faible au regard des niveaux de consommation ;
  • un événement inattendu comme le développement d’un produit consommateur de métaux rares créant des tensions sur les approvisionnements ;
  • un problème technique, social, environnemental ou climatique sur la production ou l’approvisionnement. Rappelons que les enjeux environnementaux liés à l’extraction minière peuvent être très lourds, en particulier pour les métaux présents à faible concentration : dégagements de gaz toxiques (acides sulfurique et fluorhydrique), d’eau acide et de déchets radioactifs ; la mine de Mountain Pass, en Californie, avait été fermée en 2002 notamment pour des questions environnementales. Les conditions de travail effrayantes, dans certains mines chinoises, sont également susceptibles d’engendrer des revendications sociales ;
  • une concentration des zones de production, pouvant là aussi laisser craindre des tensions sur les approvisionnement ; à titre d’exemple, certains pays producteurs ont déjà eu l’occasion de mettre en place des mesures de restriction sur l’exportation de métaux, engendrant des conséquences fortes, leur production étant très concentrée4 dans quelques pays.

D’éventuelles pénuries de matériaux peuvent potentiellement entraîner une forte hausse du coût des produits finis, voire dans certains cas l’impossibilité à terme de fabriquer ces produits si aucune solution alternative n’est envisagée. La criticité d’un matériau dépendra donc à la fois de son risque de rupture d’approvisionnement et de son niveau d’importance stratégique.

La figure suivante illustre la criticité des différents matériaux utilisés dans l’industrie européenne, en distinguant, les deux composantes de la criticité.

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Figure 1 : Les matériaux critiques pour l’Union européenne – Source : Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013

Consommation de terres rares dans les énergies renouvelables

L’éolien, seule technologie concernée, mais de façon limitée

Hormis l’éolien, les autres sources d’énergie renouvelable n’utilisent pas spécifiquement de terres rares. Par exemple, contrairement à une idée reçue, les panneaux photovoltaïques ne contiennent pas de terres rares. Le développement de cette filière d’énergie solaire n’est donc pas lié aux éventuelles tensions sur l’approvisionnement de ces matériaux.

Les éoliennes sont basées sur des générateurs électromagnétiques permettant de convertir l’énergie mécanique de la turbine en énergie électrique. On peut voir le générateur comme un moteur électrique fonctionnant à l’envers (le moteur convertissant l’énergie électrique en énergie mécanique). L’utilisation de cette technique est la même pour l’éolien (le vent fait tourner la turbine), l’hydraulique (cette fois c’est l’eau), mais aussi les centrales thermiques (charbon, nucléaire, fioul ou gaz, où c’est la vapeur qui entraîne une turbine qui fait tourner le rotor du générateur).

Parmi les alternateurs en usage dans l’éolien, on distingue5 :

  • les générateurs asynchrones : ils exigent la présence de multiplicateurs de vitesse à engrenages afin d’obtenir une vitesse de rotation dite rapide (de l’ordre de 1000 tours par minute, contre environ 10 tr/min pour la turbine), ce qui augmente les besoins de maintenance et nuit partiellement à la fiabilité, deux critères particulièrement importants en situation offshore. Ces générateurs sont simples, bien maîtrisés et relativement économiques à construire, et ils sont très utilisés dans l’industrie éolienne, bien qu’en déclin. Ils n’utilisent pas de terres rares mais sont basés sur des tôles en acier ferromagnétique et des bobinages de cuivre classiques voire en aluminium.
  • les générateurs synchrones : ils peuvent, quant à eux, se passer de multiplicateurs et le marché se répartit entre les technologies à excitation bobinée et celles à aimants permanents. Cette dernière technologie, dans laquelle le rotor est constitué d’un assemblage d’aimants permanents, est de plus en plus utilisée dans certaines éoliennes car elle cumule des avantages de faible maintenance, de faible poids relatif de la nacelle, de durée de vie allongée (pas de multiplicateur) ainsi que de rendement. La technologie actuellement préférée pour ces aimants est le NdFeB (Neodyme Fer Bore) : ils contiennent alors des terres rares (en priorité du Néodyme, ainsi que du Terbium et du Dysprosium, qui donnent un alliage conservant ses propriétés magnétiques à haute température).

À l’heure actuelle, les éoliennes contenant des aimants permanents – et donc potentiellement des terres rares – sont très largement minoritaires dans le parc installé (6,2 % en France au 31 décembre 20196).

On observe cependant depuis quelques années une progression des technologies à aimants permanents dans le parc d’éoliennes terrestres. Mais des alternatives existent pour limiter l’usage de terres rares :

  • Les générateurs sans aimants permanents (asynchrones ou synchrones à excitation bobinée) qui ne contiennent pas de terres rares ;
  • Les générateurs à aimants permanents avec multiplicateur de vitesse qui contiennent jusqu’à 85 % de terres rares en moins par rapport aux générateurs à aimants permanents à entraînement direct6 ;
  • Les aimants permanents sans terres rares (ferrite), mais qui s’avèrent moins performants.

Au vu de ces différentes options déjà largement matures, le développement de l’éolien terrestre ne risque pas d’être menacé par une éventuelle pénurie de terres rares.

L’éolien maritime, consommateur potentiel de terres rares

Seul bémol à la conclusion précédente, le développement de l’éolien maritime, qui est désormais en phase d’expansion majeure, pourrait venir modifier à la hausse la consommation de terres rares dans l’éolien. Les technologies à entrainement direct (qui peuvent être à aimants permanents) permettent en effet d’accroitre la rentabilité en diminuant nettement les besoins de maintenance, opérations particulièrement compliquées et coûteuses lorsqu’elles doivent être effectuées en pleine mer.

Cette hausse potentielle de la consommation de terres rares dépend en premier lieu du développement de l’éolien maritime ; plusieurs scénarios mondiaux sont sur la table, et dans certains d’entre eux7 cette source de production d’électricité représente moins de 20 % des capacités éoliennes installées.

Dans l’hypothèse où l’éolien maritime – utilisant des terres rares – se développerait fortement dans les prochaines décennies, que se passerait-il ?

Si l’on considère les hypothèses défavorables suivantes :

  • 3000 GW d’éolien offshore installé dans le monde d’ici à 20508
  • 100 % des éoliennes maritimes à aimants permanents
  • 0,17 tonnes de néodyme et 0,03 tonnes de dysprosium par MW installé, conformément aux hypothèses de l’avis technique de l’ADEME6, considérant 80 % des éoliennes à entrainement direct et 20 % à entraînement semi-rapide

Alors, les consommations de néodyme (Nd) et de dysprosium (Dy) pour l’éolien maritime sur la période entre 2020 et 2050 représenteraient respectivement moins de 4 % et moins de 9 % des réserves. Il y a donc peu de risques de pénurie de néodyme ou de dysprosium liées au développement de l’éolien. En revanche, un scénario défavorable comme celui-là impliquerait des augmentations relativement importantes de consommation annuelle de Nd et Dy par rapport à aujourd’hui (au moment du pic, la consommation annuelle pour le seul éolien offshore représenterait, pour le Nd et le Dy, respectivement 2 fois et 3.5 fois la consommation de 2015), ce qui peut entraîner des impacts environnementaux (liés aux pratiques actuelles d’extraction et de raffinage de ces matériaux) et des tensions géopolitiques (liées à la répartition actuelle de la production, en particulier le Dy). Par ailleurs, d’autres secteurs, comme les transports, pourraient avoir des impacts beaucoup plus importants sur la consommation de ces matériaux9, mais, de nouveau, cela dépend des choix technologiques effectués (ex : moteur à induction ou à aimants permanents pour les véhicules électriques).

Comme pour l’éolien terrestre, des alternatives matures existent pour limiter l’usage de terres rares dans l’éolien maritime. Plusieurs constructeurs10 proposent des génératrices sans aimants permanents (donc sans terres rares) ou à aimants permanents associés à un multiplicateur de vitesse (qui contiennent beaucoup moins de terres rares).

Qu’elles soient terrestres ou maritimes, le développement des éoliennes ne devrait donc pas dans les prochaines décennies être freiné par une éventuelle pénurie des ressources en terres rares.

Le Photovoltaïque ne consomme pas de terres rares, et très peu de métaux rares

Cadmium, Tellure, Indium, Gallium, Sélénium… Ces métaux aux noms peu courants se retrouvent dans certaines technologies de panneaux photovoltaïques, dites « à couche mince », et sont pour certains des métaux rares (et non des terres rares), qui peuvent être critiques.

Le marché du solaire photovoltaïque se distingue en deux grandes catégories : les technologies cristallines (silicium monocristallin, polycristallin ou amorphe), qui sont de loin les plus utilisées aujourd’hui (environ 95 % en 2018, cf. graphique ci-dessous), et les technologies « couches minces », utilisant des complexes de matériaux en fines couches. Objet d’une forte médiatisation il y a quelques années, ces dernières restent cependant très largement minoritaires.

Figure 2 : Répartition de la production photovoltaïque mondiale, par type de technologie utilisée – Source : Fraunhofer ISE, 2020

La matière première principale des technologies cristallines est le silicium, deuxième matériau le plus abondant sur Terre après l’oxygène. Les autres composants sont l’aluminium (pour le cadre), ainsi que le cuivre (câbles) et l’argent (soudures). En dehors de ces deux derniers, aucun autre métal critique n’est employé.

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Module polycristallin (à gauche) et monocristallin (à droite) – Source : www.photovoltaique.info

Les technologies de couches minces hors silicium, qui ne représentent donc que quelques pourcents des parts de marché photovoltaïque (moins de 5 % en 2018), sont basées sur l’utilisation du Cadmium et Tellure (CdTe), ou sur les technologies CIS (Cuivre-Indium-Sélénium) /CIGS (Cuivre-Indium-Gallium-Sélénium). On retrouve certains de ces métaux dans la figure 1 listant les matériaux critiques pour l’Union Européenne ; le développement de ces technologies dites « à couche mince » pourrait dont être potentiellement freiné à moyen ou long terme par des tensions sur les approvisionnements. Mais ces technologies restent largement minoritaires dans le paysage photovoltaïque actuel. La rareté de ces métaux ne représentera donc pas de frein au développement de la filière solaire photovoltaïque en général.

Autres métaux « critiques » utilisés dans les énergies renouvelables

Le cas du cuivre

Le cuivre est un matériau relativement abondant sur terre. Ses réserves mondiales sont estimées à près de 870 millions de tonnes, à comparer aux 17 millions de tonnes de lithium ou aux 50 000 tonnes d’or11. Mais ce haut niveau de réserve n’exclut pas une prochaine pénurie de ce matériau dans les prochaines décennies, puisque son niveau de consommation est lui aussi particulièrement élevé. Les propriétés intrinsèques de ce matériau ont facilité son utilisation dans de nombreux domaines : on en utilise environ 30 millions12 de tonnes chaque année (dont environ 20 millions de tonnes provenant de l’extraction minière), dans des secteurs aussi diversifiés que le bâtiment, le transport, l’électronique, les moteurs électriques, etc. Revers de la médaille : au rythme actuel de consommation, les ressources pourraient être taries d’ici 40 ans.

Les énergies renouvelables n’échappent pas à l’engouement pour ce matériau. On le retrouve dans la majorité des rotors d’éoliennes, mais aussi dans certains échangeurs de chaleur (géothermie) ; et bien évidemment dans tout câble électrique. Les besoins de cuivre pour le photovoltaïque et l’éolien sont estimés respectivement à 4 et 2.5 tonnes13 par MW installé. En prenant des niveaux de développements très importants du photovoltaïque et de l’éolien au niveau mondial (capacités installées les plus importantes parmi les scénarios P1à P4 du GIEC), respectivement 650 GW/an et 450 GW/an14 entre 2030 et 2050, on obtient alors un besoin d’environ 4 millions de tonnes par an, soit moins de 15 % de la consommation actuelle de cuivre.

Les besoins pour l’éolien et le photovoltaïque, y compris dans le cadre d’un développement intensifié, restent faibles par rapport à d’autres usages. Par exemple, actuellement, plus de 50 % de la consommation de cuivre est utilisée pour la construction de bâtiments et la fabrication d’appareils électriques et électroniques, avec une augmentation de plus de 20 % depuis 2012 pour cette dernière catégorie12.

La baisse des ressources en cuivre est à anticiper dans l’ensemble des secteurs industriels. Pour cela, différentes solutions sont envisageables, et notamment :

  • La mise en place d’une filière de récupération et de recyclage de ce matériau, avec l’immense avantage d’un métal recyclable quasiment à l’infini sans perte de propriétés physiques électriques et mécaniques.
  • La substitution du cuivre qui peut être remplacé dans de nombreux cas par l’aluminium (élément sur lequel il n’y a pas de tensions à l’heure actuelle notamment en raison des consommations faibles par rapport aux réserves disponibles). Dans le cas de l’éolien, cette substitution conduit néanmoins à un accroissement de taille
    et de masse des générateurs.
  • La réduction de la demande en appareils électriques et électroniques neufs
  • Une maîtrise de la consommation électrique grâce aux actions de sobriété et d’efficacité et au développement d’un mix énergétique décarboné équilibré entre les différentes sources d’énergie (biogaz, électricité, biomasse, chaleur environnement…)

L’argent, autre métal à risque

Contrairement aux réserves de cuivre qui cumulent des tonnages très importants, celles d’argent sont bien moins élevées, estimées à environ 560 000 tonnes15. Sa consommation annuelle étant d’un peu plus de 27 000 tonnes, les stocks pourraient être épuisés d’ici une vingtaine d’années.

L’argent est utilisé dans les cellules photovoltaïques issues de la filière cristalline – c’est-à-dire dans la majorité des cellules (cf. chapitre précédent). La forte progression de cette filière à travers le monde pourrait donc se heurter à une raréfaction de la ressource en argent. Mais, comme dans le cas du cuivre, cette technologie est loin d’être la seule à utiliser de l’argent, En effet, les besoins de l’industrie photovoltaïque représentaient environ 2.3kt/an en 2018 – moins de 10 % de la demande mondiale en argent16 – et devraient être stables jusque 2050, même dans les cas de scénarios ambitieux de développement du photovoltaïque17 car des améliorations importantes sont effectuées pour réduire la teneur en argent des panneaux.

On retrouve ce métal dans de nombreuses applications industrielles, dans différents types de batteries, dans l’électronique, ou encore dans les bijoux. Dans de nombreux cas, des solutions de substitution existent18 et permettraient de limiter la consommation de ce précieux métal. Là aussi, une augmentation du taux de recyclage de ce produit permettrait de desserrer la contrainte sur les réserves existantes et d’enlever toute contrainte future sur la production de panneaux photovoltaïques.

Les technologies utilisant des « terres rares » sont loin d’être prépondérantes dans les énergies renouvelables. On en trouve essentiellement dans la filière des éoliennes maritime à générateur synchrone ; elles ne représentent qu’une faible proportion du parc éolien installé. Mais cette proportion pourrait être amenée à évoluer dans les années qui viennent. Dans tous les cas, des solutions de substitution matures existent. La potentielle rareté des terres rares ne menace donc en aucun cas le développement de ces sources d’énergie.

Plus critique, la rareté du cuivre ou de l’argent pourrait, si l’on n’y prend pas garde, affecter la production éolienne ou photovoltaïque. Cette problématique est cependant loin d’être réservée à ces deux sources d’énergies. Le cuivre et l’argent sont présents dans d’innombrables objets de notre vie quotidienne. Dans certains cas, ces métaux peuvent être substitués par d’autres plus abondants. Il est par ailleurs nécessaire de mettre en place dès aujourd’hui des filières appropriées de récupération et de recyclage de l’ensemble de ces métaux, pour éviter de puiser plus que nécessaire dans les réserves existantes, avec l’immense avantage de métaux présentant des potentiels de recyclage de plus de 90 %.

Enfin, il n’est pas interdit de questionner l’utilité – au sens de l’intérêt général – de certains produits fabriqués et de chercher à prioriser les besoins. Dans un monde aux ressources finies, le gaspillage de nos ressources ne pourra perdurer éternellement, que ce soit en termes de matériaux rares ou d’énergies fossiles aux réserves également limitées.

  1. Cette définition des terres rares est issue de : Approvisionnements en métaux critiques : un enjeu pour la compétitivité des industries française et européenne ?, Note d’analyse, Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013, disponible sur : archives.strategie.gouv.fr/cas/system/files/2013-07-10-metaux-na03.pdf
  2. Mineral commodity summaries, USGS, disponible ici : https://www.usgs.gov/centers/nmic/mineral-commodity-summaries
  3. La dépendance aux métaux stratégiques : quelles solutions pour l’économie ?, CESE, 2019, disponible ici : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2019/2019_03_metaux_strategiques.pdf
  4. Export Restrictions on Strategic Raw Materials and Their Impact on Trade, OECD Trade Policy Papers, n° 95, OECD Publishing, J. Korinek and J. Kim, 2010, disponible sur : dx.doi.org/10.1787/5kmh8pk441g8-en
  5. https://www.encyclopedie-energie.org/en/energie-eolienne-de-son-gisement-a-ses-aerogenerateurs/
  6. Terres rares, énergies renouvelables et stockage d’énergie, Avis technique, ADEME, 2019 disponible ici : https://www.ademe.fr/terres-rares-energies-renouvelables-stockage-denergies
  7.  Voir par exemple https://www.irena.org/remap ou https://iea.blob.core.windows.net/assets/a6587f9f-e56c-4b1d-96e4-5a4da78f12fa/Energy_Technology_Perspectives_2017-PDF.pdf, p290
  8.  Conformément au scénario P2 du GIEC (scénario le plus ambitieux sur l’éolien) en considérant 20 % d’éolien offshore et en incluant un repowering à 20 ans ; cela représente en moyenne 100 GW/an avec un pic à 190GW.
  9. p.31 Responsible mineral sourcing for renewable energy, Earthworks, disponible ici : https://www.earthworks.org/cms/assets/uploads/2019/04/MCEC_UTS_Report_lowres-1.pdf
  10. Terres rares, énergies renouvelables et stockage d’énergie, Avis technique, ADEME, 2019 disponible ici : https://www.ademe.fr/terres-rares-energies-renouvelables-stockage-denergies
  11. Mineral Commodity summary, USGS, 2020, disponible ici : https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2020/mcs2020.pdf
  12. http://www.coppercouncil.org/end-use-statistics-2019
  13. Photovoltaïque : voir p.6 ici https://www.earthworks.org/cms/assets/uploads/2019/04/MCEC_UTS_Report_lowres-1.pdf Eolien : source Ecoinvent
  14. p. 17 et 35 : https://www.negawatt.org/IMG/pdf/201015_webinaire_odd_nucleaire-enr-climat.pdf
  15. USGS 2020
  16. World Silver Survey 2019, The Silver Institute, 2019, disponible ici : https://www.silverinstitute.org/wp-content/uploads/2019/04/WSS2019V3.pdf
  17. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fenrg.2019.00056/full
  18. Fiche de criticité de l’argent, BRGM, 2017 http://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/upload/documents/Fiches_criticite/fichecriticiteargent171016.pdf

L’épuisement des métaux et minéraux : faut-il s’inquiéter ?, ADEME, 2017 https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/epuisement-metaux-mineraux-fiche-technique.pdf

Crédit photo : Alain Bachellier CC BY-NC-ND 2.0